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Mais qui a (encore) peur du grand méchant MOOC ?

By | réflexion de Carole Helpiquet, Sin categoría @fr | No Comments

“La vague d’engouement pour les MOOCs aux Etats-Unis notamment, mais également dans de nombreux pays du globe, est un phénomène d’actualité qui dépasse largement le strict faisceau du savoir et de sa transmission. De fait, si les MOOCs représentent une césure culturelle capable de mettre en scène une approche des savoirs renouvelée, audacieuse et modernisée car dématérialisée, ces nouvelles formes de transmission des savoirs recomposent le paysage réel et mental de l’accès même au savoir.

Plusieurs enjeux sont à l’œuvre avec un Mooc :

  • le statut de l’apprenant qui devient source, producteur, créateur, co-producteur potentiel de contenus seul ou en mini-communautés agissantes (selon le goût,l’intérêt, la recherche, la motivation, le besoin, les attentes…)
  • le statut de l’émetteur du savoir qui n’est plus seul mais appartient à une collégialité faite d’experts de contenus,de soutiens techniques et logistiques, de régulateurs de flux et d’action, de veilleurs, d’accompagnateurs, de tuteurs pédagogiques, de juristes etc…
  • le statut du contenu des cours : mais s’agit-il encore strictement d’un cours ? Assurément il s’agit davantage d’un espace repéré, identifié, connu et donc reconnu par une communauté (les inscrits, les passants, les curieux, les experts, les découvreurs, les professeurs, les formateurs, les citoyens, les étudiants, les jeunes, les plus âgés, les filles et les garçons….les utilisateurs ou les usagers…).  Émetteurs et récepteurs se côtoient, échangent – ou pas-  à leur guise, parcourent les semaines  du MOOC (ou pas!). L’ère du “faire ensemble” semble à portée de main pour beaucoup. L’artisanat semble  à l’œuvre dans ce modèle qui pourtant rappelle fortement l’industrie pour donner forme à un espace-temps hybride dans lequel le maître mot est FLUX. Des flux d’informations, des flux de données aussi, des flux de savoirs constitués ou pré-constitués, des dépôts d’unité de connaissance, des commentaires ou ajustements aussi, des échanges, des questions, des peurs et des découragements, des doutes et des enthousiasmes. Bref, une matière vivante  malaxée, “blendée “peut-être même, compose la nourriture spirituelle proposée dans un MOOC.
  • le format et la nature du format changent toutes les perceptions, les habitudes, les gestes de toutes et de tous dans l’accès au savoir et au travail, car apprendre est un travail. Le MOOC est un prolongement naturel de la mondialisation, une forme  qui autorise toutes les connexions, de nombreux échanges à toutes les échelles, une réalité d’apprentissage qui -passées les approches purement techniques-, produit un espace-temps extensible, permet des contacts synchrones et asynchrones, des rythmes de travail de production, de lecture et de vérification   de connaissances  démultipliés, singuliers aussi.
  • Le MOOC c’est le cours augmenté, certes selon le bon vouloir humain, comme toujours, mais dans une approche “réseau”, ou “communauté”,  dont la richesse, la pertinence, la densité et l’organisation dépendent de tous les acteurs mobilisés. Le changement est de taille : l’énergie est multipolaire alors que traditionnellement le cours est/ était avant tout bi-polaire (l’enseignants / les apprenants). Avec le MOOC, le savoir qui  suivait le chemin du “joueur de flûte” (modèle énergivore, culte du chef, déficit d’autonomie, pas de plan B en cas d’accident du joueur de flûte etc…) prend  une mutli-piste qui s’apparente plutôt à un “manège” de la connaissance (atténuation ou disparition du modèle d’apprentissage descendant ou  vertical, autonomisation et prise de responsabilité, échanges et/ou production, dynamisation par la collégialité…). Ou quand la flûte enchantée devient le manège enchanté…
  • Pour finir, le MOOC, est une forme vivace de l’incarnation du mouvement post-structuraliste. Autrement dit, une modalité dans laquelle la déconstruction (ici celle du cours traditionnel et des représentations du savoir qui s’y rattachent)  est activée dans un souci de recomposition formelle et concrète du savoir, tissant les liens professeurs/élèves ou professeurs/apprenants autrement, engendrant de nouvelles architectures d’apprentissage. En un mot, le MOOC est une forme visible et tangible d’un changement décisif : il fait entrer le savoir dans le monde d’après. Mais quel est-il ? Les tâtonnements se poursuivront, avec pour seule certitude que ce monde d’après ne sera que ce que nous en ferons et cela nous oblige, voilà notre chance.”

Carole Helpiquet